Le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas. Fort de ce constat imparable, Laurent Halmes et Sébastien Laloux, l’un à Liège, l’autre
à Bruxelles, ont imaginé des filières permettant de remplacer des contenants polluants. Le premier via un système de consigne de contenants en verre, le second en créant une boîte à pizza réutilisable.
XAVIER BEGHIN
Le 3 juillet dernier est entrée en vigueur la fameuse directive européenne 32019L0904 qui interdit la mise sur le marché d’un certain nombre de plastiques à usage unique :
les bâtonnets de coton-tige, les touillettes, les pailles, les couverts, les assiettes, les tiges de ballon de baudruche, les gobelets (et leurs couvercles) et contenants en polystyrène expansé destinés à accueillir des produits alimentaires, etc. Depuis son vote en 2019, l’économie circulaire, déjà bien en marche, a subi une solide accélération. Elle fait partie de ce qu’on appelle la stratégie des 4 R : refuser (éviter la production de déchets en changeant son comportement d’achat), réutiliser, recycler et recouvrir (encore récupérer quelque chose de ce qui part à la décharge ou à l’incinérateur, par exemple produire de l’énergie au départ de plastique non recyclable). Réutiliser, c’est, par exemple, n’utiliser que des contenants consignés. C’est, en quelque sorte, “ retour vers le futur ” puisqu’il n’y a pas si long-temps, le laitier déposait ses bouteilles en verre sur le pas de votre porte et venait les rechercher, le brasseur faisait de même avec ses bacs d’eau ou de bière. Les contenants en verre étaient nettoyés et réutilisés. Puis le plastique est arrivé, à usage unique.
(…… Article sur BWAT ……)
Vingt fois moins de déchets
A Liège, Laurent Halmes a le même souci de l’élimination du déchet à usage unique. Passionné d’écologie depuis longtemps, cet ingénieur de gestion formé à HEC Liège est tombé un jour sur une étude d’Ademe, l’agence de transition écologique du gouvernement français. Elle comparait les performances de durabilité de la consigne face au recyclage via les bulles à verre. Les résultats sont imparables : laver des bouteilles et des bocaux en verre pendant trois minutes à 80° émet 90 g de CO2 par litre ; fondre du verre récupéré à la bulle à 1.500° pendant 24 heures en émet 450 g. Soit 76 % d’énergie consommée en moins pour la consigne.
En outre, cette dernière génère 20 fois moins de déchets. On considère, en effet, qu’un contenant en verre peut être utilisé et lavé, en moyenne, 20 fois. Seulement 20 fois ? Oui, pour trois raisons : la casse, un consommateur distrait qui va le mettre à la bulle à verre et l’usure progressive du verre face au nettoyage (50 cycles maximum).
“ Si c’est plus écologique, pourquoi ne le faisait-on pas, me suis-je alors demandé, confie Laurent Halmes, un ancien chef de projet IT et business analyst chez Lampiris. Simplement parce que pour bon nombre de producteurs, ce n’est pas leur métier et cela nécessite des installations et des investissements conséquents. Il y a un an, j’ai donc décidé de lancer Bring back. La société sera créée sous peu. Actuellement, j’émarge au chômage sous le statut d’autocréateur d’emploi. Je suis en couveuse chez Step Entreprendre, une coopérative d’activités de Liège. Ce n’est évidemment pas un chèque en blanc, l’Onem vérifie que le projet avance. Et ce statut favorable est limité dans le temps. ”
Service clé en main
Le service proposé est complet. Bring back achète et livre les bocaux, les couvercles, les casiers et les étiquettes (réalisées à façon par des imprimeurs spécialisés afin qu’elles disparaissent au lavage) au producteur qui les utilise pour vendre ou distribuer son produit. Puis le consommateur achète, paie une consigne et ramène le contenant au point de vente. Enfin, Bring back récupère les contenants, les trie, les lave, les contrôle et les remets en palette. Et ainsi de suite…
A qui s’adresse ce service ? “ La palette de clients est vaste, poursuit Laurent Halmes. Des producteurs de confitures, de miel, de sauces, de yaourts, de lait, de tartinables en général mais aussi de boissons et de soupes. Sans oublier les vendeurs de plats pré- parés. Bring back, c’est de l’économie de la fonctionnalité. Le producteur, au lieu d’acheter un emballage jetable, paie pour l’utilisation d’un contenant qui a de multiples vies. Nous sommes un acteur de la transition écologique avec le but avéré de diminuer les déchets et l’empreinte carbone de ce secteur. Plus grand est le volume, plus massif est l’impact. ” Jusqu’ici, Laurent Halmes assure une bonne partie du cycle logistique lui-même, et un sous-traitant gère le nettoyage. Mais vu la maturité du produit, les clients existants (magasins Le Bon Wagon, producteurs fermiers, etc.) et les demandes qui affluent (notamment de grands groupes actifs dans l’agroalimentaire au sens large du terme), il est temps de passer au mode industriel. Pour ce faire, il négocie actuellement un partenariat avec le groupe Terre, une constellation d’entreprises à forte responsabitité éco-sociale de la région liégeoise. “ L’idée est de tout internaliser, conclut Laurent Halmes. La logistique et le nettoyage. D’ici à la fin de l’été, nous allons, ensemble, ouvrir un hall pour entreposer l’ensemble des contenants. D’ici à la fin de l’année, dans un autre espace, nous allons installer des laveuses qui vont pouvoir traiter tous les contenants et de grands volumes, histoire de pouvoir gérer de très gros clients. Le nettoyage et la manutention seront réalisés par des travailleurs en insertion, une des raisons d’être du groupe Terre. Bring back va alors ajouter une dimension sociale à sa vocation économique. Avec l’internalisation du nettoyage, l’idée est aussi de rajouter un autre service, plus réduit celui-là : le nettoyage à façon et la logistique de la consigne. ”
Les discussions avec le groupe Terre sont toujours en cours et de leur issue dépendra la structure de l’actionnariat de la société Bring back qui sera créée dans la foulée. Pas certain donc que Laurent Halmes y soit majoritaire, vu le niveau des investissements à consentir.
Le producteur, au lieu d’acheter
un emballage jetable, paie pour l’utilisation d’un contenant qui a de multiples vies. ”
LAURENT HALMES (BRING BACK)